Territoire d’industrie

[Intervention de François Skvor, conseil communautaire du 5 décembre 2019]

Monsieur le président, mes chères-es collègues,

On ne peut que se réjouir du retour d’une volonté et d’une politique
industrielles dans le pays, parce qu’effectivement en la matière, et en économie en général le marché ne peut pas tout ; en tout cas, c’est ma conviction.
On peut se réjouir aussi de la prise en compte de la dimension
territoriale de cette politique  et c’est une première en France. Le
lien de l’économie au territoire est capital, cela a toujours été vrai
et cela va devenir de plus en plus évident.

Je formulerai trois remarques tout de même :

– la politique des pôles de compétitivité dans les années 2000 était
dotée de 4 milliards d’euros par phase. Depuis, le secteur secondaire a essuyé la grande récession de 2008-2011 et ne s’en est toujours pas remis : on repart avec trois fois moins de moyens qu’à l’époque. Certes, les moyens ne font pas tout, mais ils disent l’ambition. Et, à mon avis, le risque n’est pas mince d’aboutir à un « énième machin » de coordination de la pénurie qui, au bout d’un certain temps, ne coordonne plus rien que des lambeaux de subventions sans cohérence, une sorte de Contrat de ville de l’industrie.

– on a beau être dans l’industrie, on n’est pas obligé de rester coincés
sur les références du XIXe siècle : il existe plein de choses
intéressantes entre les lignes, mais je trouve que les grands axes de ce contrat territorial sont d’un conformisme et d’une timidité inquiétants. Comme si la question, importante certes, de la fluidité du marché du travail, de l’adaptabilité, de la flexibilité de la main d’œuvre était la clef de tout.

Parce que fondamentalement, si on veut parler sérieusement parler de politique industrielle à toutes les échelles, on ne peut pas passer à
côté de deux problématiques majeures : la neutralité carbone d’une part, les enjeux liés à l’automatisation et au savoir/savoir-faire d’autre part. Ce sont des défis vitaux pour l’industrie et nos territoires ; ils mériteraient d’être considérés comme tels, ce qui est loin d’être le cas.

Enfin, dernière remarque : je reconnais et salue la volonté que vous
affichez sur la question industrielle depuis votre prise de fonction, et
c’était nécessaire. Par contre, si nous avons un tissu industriel
diversifié, dynamique et plutôt résilient qu’il faut préserver et
développer, il faut regarder la réalité en face : nous ne sommes pas un territoire d’industrie. Dans une étude commandée par l’ADCF en 2015, Vichy Val d’Allier figurait parmi les trois communautés d’agglomération de France (sur plus de 200) dont le moteur économique territorial était très majoritairement attribué aux revenus de distribution et notamment aux retraites.

On a certes une base productive résiliente et de qualité, une base qui emploie et peut employer mais qui compte assez peu dans l’éventail des revenus du territoire. Et, c’est une vulnérabilité pour le territoire : ce qui veut dire aujourd’hui que la seule politique économique qui pourrait valoir, si nous avions une politique économique de territoire, serait de développer fortement cette base productive ce qui est clairement un défi extrêmement difficile, étant donnée l’inertie des systèmes économiques territoriaux; un défi qui nécessitera des moyens considérables, notamment publics. Ce dont nous sommes encore très, très loin avec cette démarche de Territoire d’industrie.
Je vous remercie.

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